Partager la publication "LA MECANIQUE DES OMBRES, aux Hivernales à 14h00, 55 minutes"
Sur un plateau noir et nu, illuminé par une bande blanche qui en dessine les contours, trois hommes, masqués, en jeans et en gilets gris, attendent. Ces trois danseurs désarticulés tentent d’utiliser leurs jambes, leurs bras, leur corps, sous les rires du public. L’initiation à la verticalité se fait en tombant les uns sur les autres, en s’aidant inutilement, en dérapant sur soi, et offre aux spectateurs la grâce délicate de la maladresse.
Clowns et enfants, tous s’essaient tour à tour aux rôles d’élèves et de maître, et peu à peu, après cabrioles et chutes burlesques, les jambes tiennent, solides, ancrées dans cet espace vide, dont la liminalité est autant la définition que la limite. Les danseurs se meuvent dans un espace clos qui les contraint, qui les emprisonne, et dans lequel, après les cabrioles, le sérieux s’installe. Et ce sérieux prend, au cœur, à la gorge, puisque ce que nous offre cette performance n’est ni plus ni moins qu’un apprentissage de la dignité humaine.
Passant du rire évident à l’écoute absolue de ces chorégraphes en recherche du beau, le public de tout âge se régale, retient son souffle et comprend peu à peu l’enjeu incontournable qui anime la scène, souligné avec finesse par une musique minimaliste : un souffle de liberté contre l’enfermement et la définition du soi normé. Mélangeant temps court du rire et temps long de l’introspection, cette production extrêmement réussie promet de faire voyager ses spectateurs pendant un bon bout de temps encore.
Stanislas Romanée.
Chorégraphie et mise en scène
Sylvain Bouillet, Mathieu Desseigne
et Lucien Reynès
Interprétation Mathieu Desseigne,
Lucien Reynès et Sylvain Bouillet
Dramaturgie Sara Vanderieck
Création sonore Christophe Ruetsch
Création lumière Pauline Guyonnet
Costumes Natacha Costechareire
Coproduction Théâtre Jean Vilar de
Vitry-sur-Seine, MC93 de Bobigny, Espace
Périphérique, mairie de Paris – Parc de la
Villette, le Centquatre – Paris.