CHEMINS… à l’Ecole du Spectateur, à 19h30, (40 min).

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Sous un chapiteau, un arbre mort. Brisé en deux à la base du tronc, ses feuilles jonchent le sol, foulées par la poussière dans un paysage imaginé et aride. Avec des sonorités de rock post-apocalyptique, arrivent deux hommes, habillés pour l’après-fin du monde, sur une mobylette transformée en instrument. Son phare fait lumière, la musique est créée et loopée en live, à la guitare, à l’archet, en enregistrant des sons environnants, du tronc et du décor, par le plus vieux des deux frères.

L’ambiance est posée, et Antoine Prost, plasticien et circassien, commence sa danse folle autour de l’arbre. Il jongle, il saute, il escalade le tronçon éventré, et puis, parce que cela n’est pas assez, parce que l’importance de cette rencontre entre l’homme post-moderne et le bout de nature qu’il lui reste n’est pas mis à sa juste valeur, il redresse l’arbre, le remet droit, et le reconstruit, pour y pouvoir à nouveau grimper.

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Back to the trees? Non, plutôt Hello Nature my old friend. Et la violence de cette redécouverte prend à la gorge. Comme tout bon circassien, Antoine Prost fait peur à son public, avec une grâce enfantine et sauvage, et sous les échos sourds de la guitare aux notes de Mogwai, sonnée par la virtuosité folle de Clément Gambarelli, la voltige raconte le Vent, l’angoisse du lendemain et la cruauté de la séparation des corps de leurs racines. Cette escalade des branches, impérieuse, interminable, quand arrive un orage, nous raconte une exultation d’enfant dans le jardin désolé. Oui, les deux frères attendent eux aussi un signe. Non pas de Dieu, puisque là où ils sont, Dieu est mort, mais d’eux-mêmes. Du moment où, reposés à l’ombre d’une branche nue, ils pourront reprendre La Route, puisque le roman de Cormac McCarthy est l’inspiration de cette énormité visuelle et auditive.

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Dans la veine artistique de la Horde du Contrevent, d’Alain Damasio, cette création ahurissante et fabuleuse se donne à voir aux jeunes publics aussi bien qu’aux adultes, et c’est la bouche bée, le souffle court que sortent les spectateurs. Le spectacle, issu d’une petite compagnie avignonnaise, est une surprise, non seulement du fait de sa qualité, mais aussi par l’ampleur de la force évocatrice qu’elle propose grâce à l’habilité de son circassien et à l’enivrement des ondulations moirées de la musique, envoûtante et hypnotique. La technique et les heures de travail sont évidemment au rendez-vous, mais c’est surtout par la puissance de sa simplicité qu’est agrandit, pour un court instant, l’univers en dehors du chapiteau.

A voir à Avignon, à Aurillac et ailleurs, d’urgence. Et plusieurs fois.

Stanislas Romanée.

  • Interprète(s) : Antoine PROST, Clément GAMBARELLI
  • Attachée de production : Aurélie MILESI

https://courcirkoui.com/chemins/

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