ANGELS IN AMERICA au théâtre de l’Aquarium (La Cartoucherie) jusqu’au 6 décembre

Angels in America

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Un nouveau venu dans l’équipe d’Agendathéâtre ou plutôt un nouveau partenariat avec un blog qui vient de naître et qui est déjà très prometteur : Jarman et son blog : http://www.jarman.fr/

angels in america

Le chef-d’oeuvre de Tony Kushner est à découvrir sur scène dans une nouvelle version jusqu’au 06 décembre au Théâtre de l’Aquarium. 

Comme beaucoup, j’ai découvert Angels in America, le diptyque de Tony Kushner, grâce à la mini-série HBO signée Mike Nichols avec son casting quatre étoiles. Je me souviens d’ailleurs parfaitement du moment où j’ai vu les premières images. J’étais en vacances à Oxford chez un ami. On rentrait d’une virée nocturne. On a allumé la télé et là on est tombé sur une scène de la série, celle où Emma Thompson, l’un des anges fantasmagoriques apparaît dans un halo de lumière. Je ne saurais pas expliquer pourquoi, mais j’ai tout de suite tilté. Peut-être parce que c’était, juste après Queer As Folk, l’une des premières séries où l’homosexualité s’affichait aussi ouvertement.  Ce n’est que de retour à Paris, où je me suis empressé d’acheter le texte de la pièce édité à l’époque par l’Avant Scène Théâtre, que j’ai réalisé l’ampleur et le véritable enjeu du projet.

angels in america aquarium

Ecrite dix ans après l’arrivée du Sida, Angels in America est un monument de théâtre (Tony Kushner a été récompensé par le prix Pullitzer), une pièce extrêmement dense qu’il faut savoir apprivoiser pour réussir à se nourrir de toute sa richesse allégorique et philosophique. Derrière la thématique du Sida dans les années Reagan, on y parle de politique, de religion, de sexualité, de racisme. On y exhibe les stéréotypes pour mieux les débouter. Les couples de personnages se font miroir dans un chassé-croisé instable : Roy, l’avocat  raciste et véreux qui n’assumera jamais d’avoir le Sida (le personnage est inspiré d’une figure réelle) et qui trouve comme seul support Belize, un infirmier noir et homosexuel; Prior et Louis couple qui se déchire à cause de la maladie ; Joe, l’homo refoulé, marié à Harper, femme névrotique qui se shoote au Valium…

Angels in America est aussi une réflexion sur la dramaturgie. La pièce casse les unités de temps et de lieu, oscille entre onirisme et réalisme, exhibe aussi les artifices du théâtre dans un processus de distanciation qui n’est pas sans rappeler l’écriture brechtienne. Près de vingt-cinq ans après sa création à New York, Angels ne paraît toujours pas datée, contrairement à d’autres textes ayant la même thématique qui restent trop contextualisés dans leur époque et manquent ainsi de perspective (je pense particulièrement à  The Normal Heart).

angels in america aquarium paris

Hormis la version opératique qui s’était montée au Châtelet en 2004, je n’avais encore jamais eu l’occasion de voir Angels in America sur scène. Autant dire que j’ai été plus qu’enchanté d’apprendre que le Théâtre de l’Aquarium montait une nouvelle version du spectacle. Quitte à faire le déplacement jusqu’à la Cartoucherie, autant y aller franco et j’ai opté pour l’intégrale de 4h30. (les deux parties peuvent aussi se voir sur deux jours différents, mais je trouve que c’est se couper de l’intensité de cette expérience théâtrale). La mise en scène est signée Aurélie Van Den Daele, nouvellement artiste associé du Théâtre de l’Aquarium. L’espace scénique est habilement pensé. Le grand plateau est divisé en deux espaces (l’un aéré sur la gauche, et l’autre plus claustro sur la droite) qui sont utilisés en alternance pour signifier les changements de scènes. L’effet est un peu systématique mais il permet de se repérer dans les différentes actions qui s’entremêlent. La metteuse en scène a aussi cherché à moderniser quelque peu l’histoire, la plaçant dans un hors-temps entre les années 1980 et notre époque contemporaine (on y voit des téléphones portables, des ordinateurs), parti pris qui fonctionne parfaitement.

angels in america aquarium

On ressent également la volonté d’inscrire la pièce dans la tradition des « séries » (l’écriture s’y prête) par le biais d’un panneau lumineux qui découpe en « saisons » les deux actes et donne des titres aux différents tableaux, tels des titres d’épisodes. Point fort également de cette nouvelle lecture, le traitement des passages fantastiques. Ces moments peuvent facilement être casse-gueule. Aurélie Van Den Daele, arrive par quelques effets visuels, à suggérer le surnaturels sans sombrer dans le cheap ou le ridicule. Sans être flamboyante, cette mise en scène ne manque pas d’idées, voire de très bonnes propositions. Celle qui m’a le plus marqué reste cette tombée soudaine de la neige figurée par une avalanche de balles de ping pong. C’est simple, mais il fallait y penser.

Côté comédiens, il faut un peu de temps pour que tout le monde se chauffe. La première scène avec Roy sonnet un peu faux. Prior et Louis mettent aussi un peu de temps à se démarquer. Le spectacle décolle vraiment au milieu du premier acte pour atteindre son apogée dans une seconde partie où tous les nœuds se délient à mesure que les personnages font tomber les masques qui les figeaient dans des « types ». Comme dans la version originale, les acteurs peuvent être amenés à jouer plusieurs rôles, renforçant par là-même la performance de tenir la scène aussi longtemps.

Sur le papier, 4h30 peuvent paraître très long. Mais ça l’est beaucoup moins dès lors que l’on peut assister comme c’est le cas ici à un vrai sommet de théâtre. Malgré quelques réserves, cette nouvelle production de « Angels in America » reste une belle proposition et l’occasion rêvée pour (re)découvrir un texte à la richesse inépuisable.

Jarman

Retrouvez toutes les chroniques culturelles (cinéma – théâtre – comédies musicales…) de Jarman sur son blog  http://www.jarman.fr/

texte Tony Kushner
version écourtée avec l’approbation de Tony Kushner

traduction Gérard Wajcman avec la collaboration Jacqueline Lichtenstein

mise en scène Aurélie Van Den Daele (artiste associée)

dramaturgie Ophélie Cuvinot-Germain, assistanat à la mise en scène
Mara Bijeljac, lumières/vidéo- Son-scénographie Collectif INVIVO Julien Dubuc – Grégoire Durrande – Chloé Dumas, costumes Laetitia Letourneau

avec Antoine Caubet, Émilie Cazenave, Grégory Fernandes, Julie Le Lagadec, Alexandre Le Nours, Sidney Ali Mehelleb, Pascal Neyron, Marie Quiquempois

Photos : Marjolaine Moulin

spectacle en 2 parties (à voir en intégrale ou séparément – 4 h 30 avec entracte) – Théâtre de L’Aquarium (La Cartoucherie)

Intégrale les 11 et 12 novembre à 19h, le 13 novembre à 19h30
les vendredis à 19h30, les samedis et dimanches à 16h
Partie 1 les mercredis à 20h30 ou sur les dates de l’intégrale
Partie 2 les jeudis à 20h30 ou sur les dates de l’intégrale le week-end

Jusqu’au 6 décembre 2015

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